Elle a grandi les pieds dans l’eau salée de la Côte Basque autant que dans l’ivresse inspirante des capitales. Elle est de celles qui osent, de celles qui nous inspirent. Chloé Chabaud est la co-créatrice du vestiaire « Graine ».
Ses vêtements évoquent l’esthétisme et le style autant que le progrès. Ils nous parlent de nature, celle qui nous entoure et que l’on se doit d’observer.
De nos ambivalences aussi, celle de notre génération, agile sur les pavés des villes, aussi bien que dans les blés. En fait, « Graine » nous ressemble. Aujourd’hui encore un peu plus qu’hier.
Rencontre.
Chloé, bien que quelques lignes ne suffisent à un bout de vie, quel est ton parcours ?
Je suis née en 1992 en région parisienne aux côtés de mon grand frère Maxime et de mes parents Christophe et Karine. Je n’y suis pas restée très longtemps car mes parents ont très vite décidé de nous emmener au bord de l’eau, dans le Sud Ouest. C’est donc à l’âge de 6 ans que je découvre ce qui va devenir mon lieu de vie, mon équilibre, et ma plus grande inspiration.
Mon père étant directeur marketing et commercial dans le milieu de la glisse, je découvre très tôt le monde de la mode, les salons et les collections. J’en deviens même son assistante officielle à l’âge de 9 ans!
Après un bac Littéraire, je décide de débuter des études en art du spectacle poursuivant ainsi mon attrait pour le théâtre et les arts plastiques. Je m’oriente vers la scénographie que j’étudie ensuite durant 5 années à Madrid. Ensuite, entre autres péripéties de la vie, voilà Graine.
C’était comment ton enfance sur la côte basque ?
A vrai dire, mon collège, était à 5 minutes de la plage, le sable et la mer étaient notre quotidien. Vivre ici est très inspirant et ressourçant. La proximité avec les montagnes et les plages m’a permis de réaliser à quel point je ne pouvais plus m’en passer.
Mes projets artistiques ont été très influencés par mon habitat. Ce lien étroit avec la nature est inéluctable. J’ai toujours eu en tête les paysages d’ici, les sons des vagues et les odeurs des entrées maritimes.
Après tes études tu as décidé de créer ta marque de prêt-à-porter, racontes-nous, comment « Graine » est-elle née ?
Lorsque j’ai terminé mes études en art du spectacle et réalisé mon premier spectacle professionnel, j’ai eu envie de mélanger mes différents savoirs et passions. C’est à ce moment là que j’ai décidé de présenter mon projet à mon père. Attirée par le textile, créer mon propre langage et l’élaboration d’un vestiaire singulier m’a parut alors naturel et mon père approuvait à 200% !
Et puis Graine est née au sein d’un jardin potager clandestin que nous avions avec des copains a 10km de Bordeaux. Sans le savoir, les couleurs et les odeurs de cet endroit vont créer tout le contenu du projet. En observant mes amis et en mettant les mains dans la terre, mon premier vestiaire « Jeune Pousse » a vu le jour.
Après Bordeaux où tu as imaginé les prémices de la première collection, tu as décidé de t’installer au Pays Basque, pourquoi ce choix ?
J’habitais alors un appartement au coeur de Bordeaux avec mon ami. Il était antiquaire, nous arpentions les foires et les déballages tout au long de l’année. Malgré cette effervescence citadine nous n’étions clairement plus heureux en ville. Notre potager clandestin était un exutoire
Revenir au Pays Basque, à notre équilibre, était une évidence pour nous deux. Alors nous avons quitté notre appartement pour nous installer dans les terres au beau milieu des pommiers. Mon ami nourrit une grande passion pour la terre et continue d’apprendre grâce à des formations notamment en permaculture.
Parallèlement à ça, me rapprocher de mon associé, partager, dialoguer, était aussi très important pour mener à bien notre projet Graine.
Peux-tu nous décrire ce vestiaire singulier que tu proposes avec Graine ?
Graine c’est un vestiaire atemporel avec des pièces privilégiant les matières naturelles et un usage dans le temps.
Très proche de la nature, je suis aussi très citadine et ne réfute en rien la richesse des villes qui est aussi essentielle à mon inspiration. Ainsi, j’ai voulu créer un vestiaire entre ville et jardin. Un vêtement pratique et résistant mais aussi esthétique et sophistiqué. Le combo parfait pour moi ! L’inspiration végétale est immense. J’ai imaginé mes premières pièces comme la salopette ou la veste comme des essentiels de notre vestiaire. Et puis il y aussi la dualité père/file et donc masculin/féminin qui entre en jeu et qui inconsciemment crée une silhouette propre à nous. Nous ne créons pas des collections au gré des tendances, à chaque saison c’est la même direction : 4 couleurs, des essentiels que l’on reconduit et quelques nouveautés.
Nous voulions produire notre vestiaire non loin de notre région. C’est au Portugal à quelques kilomètres de Porto que nous avons eu la chance de développer nos collections au sein d’ateliers familiaux.
Les deux frères qui accueillent notre projet partagent les mêmes valeurs que nous. C’est un réel travail d’équipe et nos collaborateurs savent nous écouter et nous accompagner dans nos engagements et nos démarches.
Peux-tu nous parler de ta collection actuelle, printemps été 2020 ?
Pour la première fois, j’ai réuni beaucoup de monde pour cette collection car c’est ma réalité. Graine ne s’est pas crée en huit clos à deux. La collection « Les graines » représente le vivre ensemble et la création à plusieurs. Notre vestiaire « Les Graines » se pare de quatre teintes en référence aux couleurs délavées par le soleil et façonnées par l’usure du temps.
C’est à 20km de Biarritz, en plein coeur de la campagne basque que notre collection a planté son décor. Véritable ode à la nature !
C’est aussi une belle métaphore à la permaculture qui n’exclu personne et compose avec le tout. « Marco », un duo féminin de peintres, a été au rendez-vous pour peindre ce paysage magique et partager leur vision de la nature.
Ce qui me plait aussi c’est de ne pas parler que de fringues. Venant des arts du spectacle, nous avons appris à prendre en considération beaucoup d’éléments pour créer une pièce unique. La richesse réside en l’harmonie et la composition d’un ensemble. Le vêtement peut alors devenir un prétexte pour laisser apparaitre tout ce qui nous entoure. Réaliser une collaboration avec l’artiste céramiste Cecile Mestelan et créer un set de vaisselle reflète également mon envie d’exprimer ce que j’apprécie : Cuisiner les légumes du jardin et faire une belle table en famille !
Quelques mots sur ta prochaine collection Automne Hiver ?
La collection Automne Hiver est inspirée par la cueillette et les flâneries dans la nature. Et parce qu’à chaque saison les lumières changent, ce vestiaire se pare de quatre nouveaux tons : le bleu marine, le kaki, le rose et le beige. Le velours côtelé fait son apparition, les balades automnales sont plus fraîches qu’en été. Pour nos boutons de vestes, c’est du corozo ou ivoire végétal que nous utilisons à présent. Les nouvelles broderies représentent des plantes sauvages que j’ai pu découvrir autour de moi. « Mauvaises herbes », c’est un joli nom, mais il révèle avant tout ce fâcheux surnom que l’on donne à ces espèces, pour la plupart comestibles, que l’on considère rarement mais qui sont pourtant indispensables.
Et pour mon plus grand plaisir, j’ai invité mon équipe au Portugal pour exprimer l’envers du décor « Graine ». C’est à 30km de Porto dans le petit village où sont installés nos ateliers que nous avons posé nos valises ! Ce lieu, ponctué de rues pavées et parfumé par l’eucalyptus est très inspirant.
Nous suivons de très près chaque collection alors nous souhaitions profiter de ce ravissant écrin pour mettre en lumière nos ateliers partenaires et ses équipes.
Tu dessines et imagines tes collections au creux des montagnes, peux-tu nous parler de ce qui t’inspire tout autour de toi?
Depuis notre installation au Pays basque il est vrai que nous vivons au rythme du végétal. Mes semaines sont bien remplies, entre travail de la terre et collections !
On s’occupe de plusieurs potagers, d’une serre et de vergers de pommiers. La rigueur est nécessaire pour que tout ce petit monde soit en bonne santé ! Et en même temps, la nature se porte très bien sans nous… nous ne faisons que l’accompagner sans la perturber.
J’aime par dessus tout l’effort physique que les journées au jardin impose mais l’aspect émotionnel et cérébral au sein de la nature n’est pas à occulter. C’est un équilibre que je commence à toucher du doigt.
Tout se fait avec le cœur et sans compter. Planter une graine, s’en occuper et l’observer pousser est un vrai cadeau. Je suis très heureuse de pouvoir vivre tant de moments magiques aux côtés de mon amoureux. Il m’apprend beaucoup chaque jour, et sa patience et son soin me laisse sans voix. Sa position et sa manière d’agir avec les végétaux m’inspirent beaucoup. Mes collections sont donc caressées par cette richesse que nous vivons.
Cette écoute et compréhension de la nature invite à un équilibre et un certain repos intérieur. Notre alimentation, nos lectures, nos passes-temps s’harmonisent. La vie est douce à la campagne et je me suis rendue compte à quel point ma société Graine se voit influencée par ce mode de vie. Je crois que je garde les pieds sur terre et la valeur du travail !
Sans parler du confinement, à l’aube de cette nouvelle ère que vit notre génération, où tout ce contexte nous invite à nous rapprocher de nos valeurs, et nous pousse à un certain engagement, et à reconsidérer nos modes de vie, comment vis-tu tout cela?
Venir vivre à la campagne n’est pas une chance mais c’est un choix !
Pendant ce confinement nous étions évidemment mieux lotis que beaucoup d’autres personnes vivant des situations terribles dans des conditions insalubres et nous y pensions tous les jours.
Je suis convaincue que vivre en lien avec la nature est la clef pour les générations futures.
Il faut la considérer et s’en rapprocher au maximum à un moment de sa vie. De cette action, ne pourra découler que de l’amour, du respect et du bon sens.
S’affranchir de certaines choses et reconsidérer nos valeurs nous amène vers un mode de vie plus sain, c’est évident. Chacun d’entre nous peut acter, en semant sa petite graine ! Pour moi, bien s’alimenter, ne pas gaspiller, ne pas enrichir une économie néfaste pour la planète et être responsable de ses choix reflètent mes priorités. Après, tout est question de point de vue et chacun est maître de son destin.
Vivre avec la nature, cultiver son potager ou encore tailler les arbres c’est aussi une grande responsabilité. Alors, si j’ai appris à devenir responsable avec mon activité professionnelle, j’ai du également l’être au jardin. Lorsqu’il y a une nurserie de semis sous serre et qu’il faut en prendre soin, personne d’autre ne pourra le faire à ta place et les conséquences peuvent être terribles si notre part de responsabilité n’est pas prise en compte. En somme, mon mode de vie, bien qu’il implique de nombreuses concessions, me rend très heureuse et je suis très reconnaissante de ce que la nature a pu m’offrir sur différents plans.
Graine n’en serait pas là aujourd’hui, plus qu’une ligne textile, elle est reflet de mes engagements.
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